Marianne, 27 septembre 1933
DISQUES Jean Richard BLOCH 27 septembre 1933
Un de nos fidèles lecteurs, instituteur dans le Doubs, désirant acheter la IXè Symphonie de Beethoven, me consulte sur l’édition dont je lui conseillerais l’emplette., Hélas, je n en connais pas .d’enregistrement tout .à fait satisfaisant. Mais, en dépit. de la « grande compétence » que veut bien m’accorder mon aimable correspondant, je ne me flatte pas de les connaître tous. Le mieux ne serait-il pas d’ouvrir, sur ce point, parmi les lecteurs de cette chronique, un petit referendum pacifique, non publicitaire (et non pourvu de prime...) ? Je transmettrai volontiers. à notre ami lointain les suggestions qui me viendraient par, cette voie.
Quand Polydor, Columbia, Gramophone, demanderont-ils à Furtwangler, à Toscanini, à Koussewistsky, à Straram, à Monteux, à Albert Wolff, d’enregistrer pour nous une nouvelle série des Symphonies de Beethoven, destinée à remplacer les séries actuelles presque toutes vieillies, et dont plus d’une est insuffisante ?
Un autre lecteur, qui est. pasteur de l’église réformée, en Normandie, m’écrit pour me signaler, auprès des éditions Columbia et Gramophone que j’ai récemment analysées, l’édition Polydor du Concerto en ré majeur, op. 61, pour violon et orchestre, de Beethoven. Bien qu’elle remonte, me dit-il, à juillet 1929, elle reste magnifique quant au. jeu de Joseph Wolfsthal. Voilà cette indication mise à la disposition des discophiles,
Liszt était bien oublié des Français, comme mélodiste. Et pourtant, que de trouvailles singulières y faisaient les quelques chanteurs que la routine n’obligeait pas à tourner sur l’itinéraire archiconnu (et d’ailleurs justement apprécié), qui va du « Tilleul » à Chaminade et des « Amours du Poète » aux « Chansons Grises »
Nous avions eu ainsi, très jeune encore, dans un cercle intime, la révélation de cette poésie lisztienne, déjà lourde des « Rêves » de Wagner, et de tant, d’autres choses ! Le révolutionnaire, le grand novateur que Chopin a été dans la musique de piano, Liszt l’a été non seulement pour l’orchestre, mais pour le lied aussi. On le savait moins.
Une édition récente vient de mettre enfin 160 mélodies de Liszt à la portée de Notre public, dans une version française. An printemps dernier, Mme Croiza, dans un de ces concerts de la Salle Chopin qui sont le régal des « happy fews ». -comme le sont aussi les concerts de la Saint Leu, chez Wanda Landowska, —a fait bisser, par un public difficile, une mélodie de Liszt sur la poésie de Hugo « Oh ! Quand je dors... » Elle l’a dite, elle l’a murmurée, elle l’a rêvée, comme elle sait faire, avec cet art qui semble facile tant la difficulté lui est devenue consubstantielle. Mais tout en modulant les paroles sur un filet de voix dormante. comme elle les articulait !
Si je fais cette remarque, c’est qu’un disque Gramophone nous apporte la même mélodie...(Au dos, un lied de Brahms sur des paroles de Victor Wilder).
Je ne veux faire aucune peine à l’honorable cantatrice, « soliste des Concerts Pasdeloup », qui s’est chargée de la chose, c’est pourquoi je ne la nomme pas. Mais je déclare que je n’ai entendu ni distingué une syllabe du texte de Hugo. Si Je ne l’avais pas connu, je ne me douterais certes pas de quoi il s’agit. L’étiquette m’annonce bien qu’il y est il question d’une personne qui soupire : « Oh, quand je dors ! » Mais la dame ne soupire pas, elle. Fichtre non ! Elle est bien réveillée, je vous’ assure. Sa voix est loin d’être laide. J’entends par là qu’elle a de belles notes. Elle le sait, et elle pousse vers nous ses petits mignons de toutes ses forces, afin que nous les admirions. Mais cela n’a jamais été du chant ; Le chant est parole chantée et non pas voyelles lancées à squarcia gola, ce qui peut se traduire honnêtement : à pleine glotte.
Jean-Richard BLOCH