Marianne, 6 septembre 1933
Marianne, 6 septembre 1933
M. Ingelbrecht a réussi ce coup de maître, de me faire quasiment préférer les Deux Sonates pour l’Arlésienne de Bizet, qu’il a enregistrées pour Pathé, à celle de Stokowsky, existant chez Gramophone, et qui est si belle. Deux réussites étonnantes de poésie, de nuance, de fidélité, de mouvement.
Nous possédions déjà une ancienne édition Columbia de « L’ouverture des maîtres chanteurs », Orchestre du Conservatoire, direction Gaubert. 1 disque, 1 2. Le lecteur se rappelle peut-être que je formulais, il y a quelques semaines, le souhait que l’éditeur traitât ces tirages comme il a fait de la première version de l’ouverture de Tannhaüser, également insuffisante, et si heureusement réimprimée.
Le cas de « l’Ouverture des Maîtres », dans l’édition que je viens de citer, s’aggrave du fait que le mouvement porté sur l’étiquette est erroné. Faites tourner à 78 tours, comme il est prescrit, et vous avez une exécution à la fois d’une langueur insipide, et trop basse d’un demi-ton. Que vous essayiez de corriger et régliez votre porte-disques sur 89 tours, non seulement vous obtenez un petit galop tout à fait réjouissant, mais vous êtes un demi-ton trop haut. A force de tâtonnement, vous vous installez autour de 79 tours, ce qui ne ressemble à rien.
Ultraphone nous annonçant une nouvelle version de cet ouvrage, nous nous serions félicités, si le nom du chef d’orchestre berlinois, von Meyrowitz n’était déjà associé, dans notre souvenir, à plus d’une exécution trop brillante et superficielle. L’évènement confirme nos appréhensions.
Est-ce pour faire tenir cette « Ouverture » sur un seul disque ? Est-ce pour fournir des disques populaires, bon marché et naïvement sonores, les pick-up de brasserie et de casinos de seconde zone ? Je ne sais, mais le résultat est là. M. Von Meyrowitz « emballe » si bien, pour faire loger « L’Ouverture des Maîtres Chanteurs » dans les neuf minutes d’un disque de 30 cm, double face, que je défie le moins difficile des auditeurs à s’y reconnaître. Toute couleur, toute variété, toute nuance, s »’évanouissent d’une interprétation où ne surnage qu’un goût criard, une coloration uniforme.
Ultraphone, de qui nous tenons tant de bons enregistrements, se doit et nous doit une réparation. Et il nous reste à attendre une édition satisfaisante de « L’Ouverture des Maîtres Chanteurs ».
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Deux caisses de disques égarées coup siur coup ont fait que je ne reçois qu’aujourd’hui, à la veille de partir en voyage, quantité de disques Columbia, parus ce printemps, entre autres cet « Hamlet » qui a fait couler tellement d’encre. Je vous en parlerai dès mon retour, ainsi que de la belle série des Jazz Hot, que Gramophone vient de sortir. Quant aux nouveaux disques soules qu’Ultraphone met sur le marché, à des prix très bas, ils m’ont eu l’air tout à fait au point. Je n’avais pas eu l’occasion d’expérimenter les disques souples, qu’une autre maison avait lancés, il y a deux ans, et qui ont disparu. Ceux-ci me paraissent avoir triomphé de toutes les difficultés inhérentes à cette délicate fabrication. Une aiguille neuve a encore tendance à les freiner. Mais si l’on prend son de la raboter au préalable sur un disque ordinaire, les résultats sont bons. Huit de ces nouveaux disques pèsent le poids d’un ancien disque. L’avenir seul nous dira quelle résistance ils offrent à l’usage.
Ultraphone a fait son essai avec quelques enregistrements de danse. Nous attendons avec impatience que ce brevet soit utilisé pour des enregistrements de valeur.
Jean Richard BLOCH