Intervention de Noëlle Guibert lors de la journée d’études sur le théâtre de Jean-Richard Bloch
par Noëlle Guibert
Jean-Richard Bloch est-il un homme de théâtre ?
Figure éminente de l’intelligentsia des premières décennies du 20e siècle, Jean-Richard Bloch s’est trouvé dans l’entre-deux d’une façon de penser le théâtre.
Observateur d’action, passagèrement professeur, l’intellectuel qu’il se veut être, se collète à la formalisation de ses idées. A la licence de lettres, il a préféré celle d’histoire à une époque où l’enseignement de cette discipline et sa restitution sont encore essentiellement évènementiels, c’est-à-dire avant l’émergence de l’Ecole des Annales.
Jean-Richard Bloch a multiplié les essais pour « mieux comprendre son temps », mettant ainsi en évidence la difficulté ressentie d’une adéquation entre l’époque et lui. Confronté à la délicate conceptualisation de ses visions politiques, idéologiques, il semble éprouver plus de difficulté dans le mode d’expression d’un genre qu’il choisit pour véhiculer ses idées et ses engagements, le théâtre.
« Nous n’avons pas le théâtre qui nous convient. Ou plutôt : le théâtre qu’on nous donne ne nous convient pas. » Constat d’un théâtre décadent en vogue, établi dans ses Essais critiques parus en 1920, (deuxième partie de Carnaval est mort). A cette fin, il s’applique à démonter le théâtre de Paul Hervieu, spécialiste très apprécié de drames intimistes ayant pour cadre la grande bourgeoisie chrétienne qui faisait les beaux soirs de la Comédie Française dans les années 1900. Mais il salue en Saint-Georges de Bouhélier un auteur social reconnu, entré lui aussi au répertoire de la Comédie Française avec le Carnaval des enfants en 1923.
Bloch éprouve un doute à fonder une pensée forte à partir de l’écriture théâtrale. A propos de L’Armée dans la Ville de Jules Romains, montée à l’Odéon en 1911, il concède que l’art est un métier, et plus une « technique ». C’est à ce métier qu’il veut se confronter avec un enthousiasme qui n’exclue ni l’obstination ni l’effort, un terme qui lui tient à cœur : c’est le premier titre de sa « revue de combat », L’Effort, puis L’Effort libre, portée par un authentique idéal intellectuel et politique, un lien important avec le monde des lettres, les avant-gardes politiques et esthétiques, sa correspondance en témoigne et peut-être, également cette feuille, que je n’ai pu dépouiller, faute de temps.
Rencontre avec le théâtre : André Antoine
Il adresse sa première pièce, L’Inquiète, à André Antoine, l’incarnation du théâtre moderne à ses yeux. Différentes lettres affichent son insistance pour se faire lire par le Comité de lecture de l’Odéon.
Leurs correspondances se répondent au travers des fonds de la BnF, conservés au département des Manuscrits et au département des Arts du spectacle.
En date du 4 octobre 1909, la première lettre du fonds André Antoine pourrait laisser entendre que Antoine l’a reçu en personne. « J’ai eu l’honneur de déposer en janvier dernier au théâtre de l’Odéon une pièce en prose, 4 actes et 5 tableaux, intitulée L’Inquiète. Vous m’avez dit à ce moment là qu’elle passerait devant le Comité à son tour de lecture dans le courant de l’été. » Une deuxième lettre, du 28 octobre 1909, laisse percer l’impatience du jeune homme de vingt-sept ans. Dans un courrier du 1er septembre 1910 Antoine manifeste son intérêt pour la pièce tout en nuançant son jugement « ...Mais tout cela dénote chez vous de tels dons d’auteur dramatique que je serai enchanté de vous voir dès mon prochain retour à Paris. » (Fonds Jean-Richard Bloch. Dpt des Mss )
La pièce est admise en seconde lecture en 1911. Bloch est prêt aux concessions, c’est à dire aux coupures. Antoine en fera en effet dans le 4e acte, au grand dam de l’auteur qui juge sa pièce dénaturée.
Peu de réactions conservées à propos de cette pièce. Romain Rolland renseigne sur l’accueil réservé à l’Inquiète. « J’ai lu deux journaux où l’on vous adressait quelques critiques. J’espère que vous n’en avez pas été trop affecté, ni même étonné. On n’est pas tendre pour un débutant. J’en ai su quelque chose naguère. » Lettre du 23. 1. 1911.
Plus tard, dans une longue lettre à Antoine, en se rappelant à son souvenir, Bloch revient sur les circonstances de la représentation.
« Monsieur,
Vous rappelez-vous ce débutant barbu, timide, à demi - provincial, dont vous avez reçu une pièce, - L’Inquiète - en 1911 ? Cette pièce a été jouée par vous le 21 janvier 1912 [sic] dans la série des matinées inédites que vous inauguriez cette année-là. Vous aviez promis à ce jeune écrivain le plus bel avenir littéraire. Il signait alors Jean Richard, - étant professeur et voulant avoir la paix [...]- » Lettre du 17 février 1924.
Toute sa vie, Bloch marquera sa gratitude à Antoine, qui soutient son théâtre dans ses feuilletons de critique dramatique, comme le montre une lettre du 26 novembre 1928, de même les lignes consacrées à Antoine dans Destin du théâtre, publié en 1930.
« Le théâtre Libre est l’affaire Dreyfus du théâtre » et encore « Ce qu’il y a de poignant dans la destinée des grands réformateurs de la scène comme Antoine, c’est qu’elle précède les talents que leur effort fera lever. »
Le Dernier empereur : l’ambiguïté des rapports de Jean-Richard Bloch avec Jacques Copeau
Ecrit au sortir de la grande guerre, Le Dernier Empereur est une œuvre porteuse d’une dimension idéologique que le théâtre peut traduire. Cette pièce a été la grande affaire et probablement la grande déception de la vie théâtrale de Bloch, le rendez-vous manqué de sa carrière d’auteur dramatique.
Bloch et Copeau - la référence du théâtre nouveau - correspondent depuis 1912. Dans son journal, à la date du 21 juillet 1914, Copeau livre ses impressions sur Jean-Richard Bloch, à propos de son roman ...Et Cie, encore à l’état de manuscrit pour lequel Bloch sollicite avec insistance son avis.
« ... quand il parle, quoi qu’il dise il en dit trop. Et cela non précisément par bavardage, mais par un instinct, par un besoin de faire valoir ses qualités. Il fait appel à trop d’intelligence, à trop de sensibilité ou d’éloquence, dans ses moindres propos. [...] Inconsciemment il fait du pittoresque pour être vrai, pour être vivant, pour être sincère. De même quand il écrit, il fait pittoresque, croyant être vivant. [...] Abus de soi-même, abus de ses qualités. Enthousiasme littéraire, où il ne peut suspecter la sincérité puisqu’il y a enthousiasme et véritablement appel à une sincérité que je juge frelatée.[ ...] Tout cela trop neuf, trop jailli, trop bien mis en œuvre. Il a réponse à tout, et ne sent pas que cela ne suffit pas. Je bafouille devant lui, mais je sais que j’ai raison. »
Procès d’un magistère fait par un praticien du spectacle.
En juillet 1919 Bloch lit deux actes de sa pièce, Le Dernier Empereur, à Jacques Copeau. Malgré un désir réciproque, l’accumulation des états successifs de rédaction, Jacques Copeau n’arrive pas à monter Le Dernier Empereur. Il tergiverse. Leur correspondance montre alternativement les espoirs puis les déceptions de Jean-Richard Bloch. Depuis le début des échanges à propos de cette pièce, on sent les réticences de Copeau, ses critiques sévères, mais qui ne vont pas jusqu’au bout du refus avant d’y être acculé.
On se dit que Jean-Richard Bloch aurait dû comprendre les raisons de Copeau, mais il s’y refuse. Pourtant dès le 5 décembre 1919, Copeau émet des réserves qui dépassent l’œuvre à laquelle Bloch tient tant.
– « J’ai lu et relu à plusieurs reprises et avec un soin extrême Le Dernier Empereur. J’ai même pris la liberté d’écrire dans la marge des remarques. [...]
– « J’ai dû me défendre contre quelque chose au cours de cette lecture, c’était aller contre mon désir secret de trouver la pièce tout à fait bonne [...]
– « Il me faut vous avouer aujourd’hui qu’elle ne me satisfait pas [...]
Copeau relève des imperfections d’ensemble :
– les faiblesses du métier, « œuvre pas assez portée par son auteur »
– le manque de maturité dans l’expression,
– des caractères pas assez approfondis.
« La pièce dans son ensemble ne s’impose pas et cela est d’autant plus sensible que le sujet est d’une portée plus grande. »
Comme dans son journal à propos de ...Et Cie, Copeau lui reproche un discours qui tient trop de place.
– « Ce n’est ni une vraie ébauche des conflits sociaux eux-mêmes puisque les personnages mis en scène ne sont que des personnages politiques et ce n’est pas non plus une description assez neuve, assez originale des grandes individualités politiques que vous mettez en scène. »
– « La pièce ne doit pas être jouée telle qu’elle est. »
Mais le bon analyste que Copeau se révèle être à l’écrit répugne à affronter Bloch quand ce dernier sollicite un entretien.
« Je serai content que vous puissiez alors disposer de quelques instants pour me commenter de vive voix vos observations générales sur les faiblesses du métier que vous avez relevée [...] au sujet des caractères votre jugement est d’ordre beaucoup plus grave.... [...] il touche au fond même de la conception et de l’exécution artistique. Je crois que sur ce point le désaccord soit congénital et que ma façon de concevoir et de peindre la vie et les êtres ne parvienne jamais à vous contenter. » J.R.B. 9.12. 1919.
Trois jours après, le 16 décembre Bloch écrit encore « Il est très possible que vous ayez raison, que ma pièce soit lourde, gauche et lente... Mais je suis certain que vous vous trompez quand vous jugez les caractères privés de racine, les personnages insuffisamment articulés et les idées trop superficielles. »
Bloch souligne l’importance du symbole judéo-chrétien qui traverse sa pièce : la force du plus faible [l’empereur] sur celui qui impose son autorité, le ministre. « Je pense qu’il y avait là la base d’un réalisation scénique d’autant plus intéressante qu’elle est moins traditionnelle. » [...]« Je n’attache pas grand prix à l’originalité en art. C’est une des idées fausses dont le romantisme nous a remplis. »
Sur l’interprétation du romantisme, selon Jean-Richard Bloch, il faut se souvenir des premières lettres échangées avec Jules Romains et avec Romain Rolland. Le tout jeune Romains s’enflamme pour cette « inspiration contre les formes périmées de l’âme contre les sécheresses de l’esprit... Notre art, le mien, celui de mes amis est un art révolutionnaire...Il faut être révolutionnaire pour devenir classique. » A l’appui de ce jugement , il cite Claudel, Maeterlinck, Kipling, Verhaeren, D’Annunzio, Jammes, Vildrac, Duhamel, Chennevière, Arcos ...
Malgré l’obstination de Bloch pour faire monter sa pièce, la correspondance de 1922 souffle le chaud et le froid de la part de Copeau. « Heureux de la perspective de voir que votre Dernier Empereur représenté au Vieux-Colombier vous gonfle d’un tel espoir » le 13 avril 1922. Mais il commence à marquer de la distance le 22 juin, alléguant son travail et sa fatigue. Pourtant Gaston Gallimard, éditeur de Jean-Richard Bloch, au fil d’une correspondance suivie, lui susurre le 1er juin « je puis vous dire confidentiellement que Copeau et Saint-Denis m’ont confirmé que le « Dernier Empereur » serait joué la saison prochaine » . Bloch, qui commence à comprendre l’état d’esprit de Copeau, affiche son amertume alors que la pièce est reléguée en dernière position de la programmation, dans la lettre du 7 octobre 1922.
Nouvelles tergiversations de Copeau dans l’année 1923. Dans sa lettre du 28 mars 1923 Gallimard se promet d’éditer la pièce dans la collection du « Répertoire du Vieux-Colombier » pour la 1ère représentation,. Promesse irrévocable de Copeau de monter la pièce (12.12. 23). Mais les lettres de 1924 sont de plus en plus décevantes, Copeau allègue sa santé, ses échecs financiers, et refuse de rencontrer Bloch.( lettre 29. 2. 1924).
Bloch se fâche « Vous en soupçonnez pas un instant le tort grave profond irréparable que vous causez (depuis deux ans) à ma vie d’écrivain (3 mars 1924). Les courriers de Copeau, non datés, se font alors durs. Il oppose un refus catégorique à jouer Le Dernier Empereur comme Les Dix Filles dans un pré, projet évoqué préalablement. « Nous fermons le 15 mai, il est donc impossible de songer à l’Empereur et pas davantage à Dix filles. »
Dans ce rapport de force, Copeau s’avère être faible devant la personnalité de Bloch qui lui en impose, mais qui a perdu la partie.
Copeau ne sait plus trouver les mots pour critiquer la pièce, et pourtant Bloch lui tend la perche en avançant encore l’image du symbole, qu’il a essayé d’introduire dans sa pièce. La culture juive de Bloch l’oriente vers ces images, auxquelles Copeau n’ est pas sensible, plus encore, sa critique ne cerne pas les défauts qu’il sent en homme de théâtre, mais qu’il se montre maladroit à reformuler comme il l’avait fait dans le courrier de 1919, déjà cité.
Parallèlement à ces démarches, Bloch a sollicité Firmin Gémier et s’informe auprès de Saint-Georges de Bouhélier à son propos : « je ne connais rien de l’homme qu’il est. » Une lettre datée du 9 septembre 1920 adressée à Saint-Georges de Bouhélier indique que Gémier, directeur de la Comédie Montaigne, a lu et relu « un drame en cinq actes - Le Dernier Empereur - que je lui avais fait soumettre le printemps dernier... ». Il a également proposé la pièce à Baty. Elle est finalement montée par Armand Bour à l’Odéon dont Gémier est devenue le co-directeur avec Paul Abram en 1926 dans des conditions difficiles, contées par Wolfgang Asholt.
Gaston Gallimard l’incite à changer l’ordonnancement de la pièce et à passer des quatre à cinq actes selon les états à treize chapitres ou tableaux portant chacun un titre, à la manière du roman ou d’un auteur comme de Claudel qui se détourne du découpage traditionnel de son théâtre en actes .
La page de titre de la Petite Illustration du 26 mars 1927, qui édite la pièce, porte en sous-titre : « une histoire en treize tableaux » et précise « Le Dernier Empereur a été représenté pour la première fois sur la scène du Théâtre national de l’Odéon, le 17 novembre 1926 (direction F. Gémier et Paul Abram) sur l’initiative de la Compagnie des Jeunes Auteurs, dont le directeur littéraire était M. Henri Bidou, l’administrateur, M. Corney. » Selon la formule de l’Illustration, la troisième de couverture publie des extraits des critiques y compris quelques détails sur les démêlés avec Copeau, sous la plume de Robert de Beauplan, rédacteur de la publication. Le spectacle du Théâtre des jeunes auteurs, présidé par Henri Bidou, est soutenu par des auteurs en renom, Henry- René Lenormand, Jules Romains, etc. Pour obtenir la réalisation de la mise en scène chez les Jeunes auteurs, Bour a demandé l’appui d’André Lang, auteur dramatique et critique appréciés.
La distribution réunit des comédiens d’avenir, Maurice Donneaud, Aimé Clariond, Charpin, Vidalin, dont certains rejoindront la Comédie-Française, Donneaud le tout premier. Spectacle bien accueilli, joué huit fois par les artistes de l’Odéon, qualifié « d’avant-garde » par Christian Genty, un ancien de l’Odéon qui a retracé l’histoire du répertoire de ce théâtre à partir des journaux de bord du théâtre.
Les différents états de la pièce figurant dans le fonds de l’Odéon (dpt des Arts du spectacle) et dans le fonds du dpt des Manuscrits, réunissent de nombreuses variantes des différents actes - ce mode de répartition traditionnelle a été finalement conservé -. La pièce est présentée en 5 actes et 5 tableaux. Les 1er et 2e actes sont conservés sur épreuves avec un cachet du 1er. 7. 1926 pour l’acte 2. La brochure du 3e acte est celle du souffleur. Les autres actes sont en brochure dactylographiée, quelques fois en plusieurs exemplaires.
La correspondance avec Armand Bour, montre un intérêt ancien du comédien - metteur en scène, qui s’étonne des tergiversations de Copeau. « La psychologie de votre œuvre est d’une exactitude admirable et c’est contre la guerre un formidable réquisitoire. » 21 mars 1922.
La critique est divisée, mais se rassemble sur la difficulté de porter au théâtre ce genre d’œuvre avec des « passages excellents à la lecture et qui fatiguent à la scène » résume L’Humanité (s.d.)
L’ami, Saint-Georges de Bouhélier, affiche une admiration sans réserve. « J’ai vu Le Dernier Empereur(à la 3e ou à la 4e je crois) l’œuvre est magnifique, d’un style ferme et ardent, d’une large et puissante humanité ». 29. 13. 1926.
En regard, le désenchantement de Romain Rolland, qui manie une critique déguisée est un peu perfide.
« Je voudrais vous féliciter pour la mise en répétition de votre pièce, mais je vois la fatigue pour vous et les résultats sont toujours inférieurs aux efforts ! Pour moi, je ne ferai pas dix pas pour aller voir représenter une de mes pièces (à moins que je n’aime l’actrice...) »
Rolland reprend à son compte le propos de Tagore qui vient de séjourner à Paris. « Quel besoin a-t-on de voir représenter le grand théâtre européen ? »
« Le grand théâtre européen est plus grand encore dans le livre qu’à la représentation. Il en est autrement pour le théâtre japonais. » Lettre du 8. 7. 1926.
Jules Supervielle suite à un précédent courrier de congratulation manie le compliment avec nuance.
« Ce qui m’est peut-être plus particulier, c’est mon impossibilité à penser autrement que par image, mon extraordinaire gaucherie dans le domaine de l’abstrait. » N’est-ce pas pour ces même qualités ou défauts qu’il apprécie ce Dernier Empereur, le préférant au Dictateur de Jules Romains ?
« Vous avez la chaleur et la puissance magnétiques qui manquent à l’œuvre de Romains. » Lettre du 23. 2. 1927 ( fonds Jean-Richard Bloch, corr. t. f )
La pièce est reprogrammée le 14 décembre 1928 au Studio des Champs-Elysées, dont Camille Corney est devenu le directeur. La correspondance montre que Armand Bour n’a pas ménagé ses efforts pour assurer la poursuite de la carrière de la pièce, à Genève, à Lyon aux Célestins.
Une vision du théâtre et la collaboration avec Gaston Baty.
Gaston Baty, membre du Cartel, groupe inspiré par Copeau, aime servir des textes bien écrits sans s’y soumettre - son pamphlet « Sire le mot... » est resté célèbre - ; déjà sollicité par Bloch pour monter Le Dernier Empereur, en 1921, Baty monte son adaptation de Karl et Anna, la pièce de Leonhard Frank à l’Avenue en 1929. Grande saga politique, Karl et Anna représente aussi la gageure de monter une pièce allemande sur une scène française dix ans après la fin de la guerre. Le 1er acte se situe en 1917 dans un camp de prisonniers en Russie. Le thème « pauvre marin s’en vient de guerre » et porté disparu trouve sa femme remariée, n’est pas nouveau, mais le ton pirandellien de la recherche de soi est assez original.
La distribution, faite des comédiens de la Compagnie de Gaston Baty, Marguerite Jamois, Lucien Nat, Georges Douking... en est brillante.
Bloch, qui pensait peut-être avoir enfin trouvé son interlocuteur théâtral, souhaite que le texte de son essai, Destin du théâtre soit publié dans Masques, la revue-programme de Baty, le projet est contrecarré par le contrat qui lie Bloch à Gaston Gallimard.
Série d’articles parus d’abord dans Europe, Destin du théâtre se veut une vision de la scène théâtrale de l’entre-deux guerres. Les réflexions de Bloch sont celles d’un homme fasciné par le théâtre, par ses praticiens, son histoire et le formidable moyen qu’il représente pour atteindre l’opinion. Le texte est dédié à Gaston Baty, une marque de dépit peut-être vis-à-vis de Copeau. qui ne tarit pas d’éloge sur le propos de Bloch et même avec une flatterie appuyée dans sa lettre du 21 juin 1931. Il est vrai que Bloch admire avec insistance dans son essai ce « Vieux-Colombier qui fait rayonner son influence jusque dans la formidable Amérique ».
Leurs rapports se sont suffisamment améliorés pour que Michel Saint-Denis sollicite le soutien de Bloch à la candidature de Copeau aux fonctions d’administrateur de la Comédie-Française dans les colonnes d’Europe. Lettre du 23.8. 1929.
Michel Autrand a fait l’analyse de cet essai en soulignant l’esprit critique de J.-R. Bloch par rapport à son œuvre. « La prose du dialogue, si rigoureuse que je l’ai voulue, ne me paraît plus apte à supporter dans sa plénitude la charge tragique de l’action. » Dans Destin du théâtre, Bloch se fait le critique de sa pièce, Le Dernier Empereur, « inefficacité de l’outil » et inadaptation de sa prose. Il reste en deça d’une rédaction dont il ne maîtrise pas les moyens.
Il brosse un panorama de l’écriture théâtrale en saluant la dislocation de la vieille langue dramatique dont Jules Renard et Sacha Guitry sont les artisans. « Le dialogue devient bref, illogique, irréel, fantaisiste, plein, d’imprévus, de quiproquos, de défis au bon sens, de lyrisme sec et brillant. » Il associe dans son panthéon « les longues draperie du versets claudéliens », les concetti de Crommelynck et l’« ample convention de style bien éloignée du langage parlé » de Paul Raynal. Il relève ce style théâtral qu’il trouve dans les épigrammes de Giraudoux, chez Romains et Vildrac. Mais la correspondance avec Romain Rolland montre leurs divergences de vue sur la question.
Claudel est placé au niveau d’un Wagner dramaturge, acclimatant en France sa leçon dramatique, dont Tchékhov, Ibsen ou Strindberg sont bien éloignés selon Bloch. - Le temps en a jugé autrement -.
Il est à la recherche de ce « lyrisme nouveau » que ne peut offrir le langage quotidien. Il insiste sur cette « évasion intérieure » que procurera de plus en plus un mode d’expression doué du don d’ubiquité, le cinéma, comme l’est déjà la TSF, qu’il nomme la Sans fil, dont il apprécie également la simultanéité.
Marquant sa gratitude à Baty, celui des membres du Cartel qui l’a mis en scène, il s’attarde sur les « auteurs de Baty », Simon Gantillon, - avec lequel il entretient une correspondance - et Jean-Victor Pellerin. Il défend une vision du drame historique, version année 30, par une analyse de la psychologie des profondeurs de héros revus selon Shaw, Sainte Jeanne, ou Romain Rolland. Il situe sa pièce Le Dernier Empereur par rapport au Siegfried de Giraudoux et au Dictateur de Jules Romains. Il s’intéresse à la satire sociale proposée par Bernard Zimmer dans le Veau gras ou par Pagnol dans Topaze.
Nul doute que pour les auteurs dramatiques qui pensent le théâtre de leur époque, Bouhélier, Romains, Romain Rolland, Supervielle, le jeune Salacrou, Jean-Richard Bloch est un homme de théâtre dont les idées comptent, dont le théâtre compte. Armand Salacrou lui déclare sa dette.
« Je ne résiste pas à l’envie de vous dire que c’est dans Carnaval est mort que j’ai commencé à réfléchir sur le théâtre.
« J’étais jeune étudiant et Victor Basch m’avait parlé de ce livre avec un enthousiasme que vos études justifient. » Lettre du 22.6. 1929. Il revient sur sa réflexion une année après : « Destin de théâtre m’a passionné. Je ne suis sans doute pas toujours d’accord avec vous sur certains détails. Mais comme vous avez raisons presque tout le temps. Et comme il était utiled’insister sur cette nécessité du style au théâtre (même lorsqu’il est mauvais comme dans le Maître de son cœur ) et de dire que le théâtre doit fuir la contamination du langage quotidien. » Salacrou insiste aussi sur la difficulté de concilier liberté d’écriture et public. « Nous sommes encore loin du public et des auteurs que nous attendons... »
Auguste Rondel, créateur de la collection d’où est issu notre département des Arts du spectacle, résume cette originalité en remerciant Bloch de ses envois. « Vos idées sur le théâtre me sont précieuses pour les jeunes lecteurs qui étudient ses tendances modernes. » Carte du 5. 10. 1930. (Fonds Jean -Richard Bloch, Dpt des Mss, Corr. T. XLII. )
La scénographie selon J.-R. Bloch
Dans Destin du théâtre encore, ses remarques sur les arts plastiques, les arts décoratifs attestent de l’intérêt de Jean-Richard Bloch pour la scénographie. « Dès 1910, un horizon fabuleux de lignes, de couleurs, et de formes s’ouvre devant le nouveau riche [...]l’exposition des Arts décoratifs permet d’apprécier le chemin parcouru. 1925 fait réponse à 1900. » Une démarche de professionnel perceptible dans l’adaptation de son roman à succès La Nuit kurde. La pièce est créée au Grand théâtre de Genève le 2 juin 1928.
La Nuit kurde, est sous-titrée « drame pour servir de livret à un musicien ». Il s’agit d’Alexandre Tanzman, dédicataire de l’œuvre, qui « se déroule dans les zones les plus reculées de la conscience et de l’inconscience. » Elle paraît dans le recueil Offrande à la musique, avec deux autres titres, Dix filles dans un pré, et L’Illustre magicien, inspiré d’un conte de Gobineau. Les nombreuses didascalies de La Nuit kurde, ces commentaires qui intègrent les mouvements et les changements de décor, montrent à quel point Bloch a du mal à se détacher de la forme narrative du roman initial, mais en même temps les indications détaillées - sur le décor, les lumières, le jeu des acteurs incarnant ses personnages -témoignent de sa vision scénique.
La Nuit kurde. Acte I, premier tableau
« La cour de la demeure Katsantanès, à Kasir, carrée, close de murs sur trois côtés, et sur le quatrième, à gauche, fermée par la maison. Elle est entièrement plafonnée d’une treille d’où pendent d’énormes grappes de raisin muscat. Filtré par ce dais de feuillage, le soleil de midi frappe ensuite les quatre murs de la courette, qui réverbèrent une lueur verte, fraîche, d’essence marine ou glacière. ».
......
« Saad est accroupi, à la turque auprès d’une table de pierre, à droite, du côté de la courette le plus éloigné de la maison. Il a répandu sur la table le contenu de son sac. Il se tient les yeux baissés, à demi - clos, ses coudes sous son cafetan brun, collés à son corps, les mains jointes. Il récite avec ferveur quelques versets du Coran et ses doigts bruns égrènent son chapelet brun. »
Cette vision scénique fait bien partie des préoccupations de Bloch auteur dramatique, on le constate dans la description qu’il reprend en janvier 1947 de la mise en scène du Brave Soldat Schweïk, réalisée vingt ans plutôt à Berlin par Piscator. Il détaille les opérations de changements de décor à vue qu’il a scrupuleusement observé. Il revient à ces souvenirs dans Parallèle 50 en préambule à la publication du roman en français, qui reprend la préface pour la traduction de 1932 de Schweïk, ainsi que certaines parties de l’article paru dans Europe le 15 janvier 1929. « C’était en 1928. Je me trouvais à Berlin pour les répétions d’une pièce qu’on m’y allait jouer. Erwin Piscator, le célèbre metteur en scène communiste me conduisit à son Theater am Nollendorferplatz. Il y donnait une pièce qui faisait courir la capitale...
Le rideau levé, on vit d’abord tout à droite de la scène, un élément de décor formé tout bonnement de deux feuilles de paravent en équerre, mais aucun plafond et qui parvenait fort bien à évoquer une petite salle à manger bourgeoise. Le héros, Monsieur Chveïk, brave marchand de chiens à Prague, prenait son café au lait en se frictionnant les genoux et en bavardant avec sa vieille servante.... Puis Herr Chveïk s’en allait prendre sa chope de bière dans le voisinage. A cet effet le plancher de la scène se mettait en mouvement, de gauche à droite, entraînant vers les coulisses la femme de ménage et le décor rudimentaire. Un autre paravent synthétique faisait son entrée par la gauche. Il accompagnait un zinc de bistrot....Cependant Chveïk avait fait le chemin sous les yeux du public... »
Il parle de l’auteur, Hazek, mort jeune et du héros de son roman, qui fait fureur en Europe Centrale, comparé à la renommée de Don Quichotte, mais en qui Bloch voit aussi une ressemblance avec Charlot (pp ).
« Si différent que Chveïk fut de Charlot, ils avaient en commun tous deux avec Don Quichotte le privilège de recréer sans cesse leur solitude au milieu de l’immense cohue des hommes et de se retrouver en toute occasion mal vus, incompris, également brimés par ceux d’en haut et par ceux d’en bas. »
Une théâtralité inaboutie
Le mode d’écriture choisi par Bloch se heurte à sa volonté d’imposer un théâtre de réflexion, même dans sa façon de repenser l’Œdipe freudien dans La Nuit Kurde ou la révision de la géopolitique européenne, dans Le Dernier Empereur.
Bloch est-il en avance sur son temps, dans la mesure où il le dépasse, mais sans s’approprier des concepts qui ressortissent davantage à un cheminement philosophique ?
Il est conscient de cette absence de moyens mais ne peut atteindre cette liberté à laquelle Samuel Beckett habituera le public trente ans plus tard en débarrassant la fable des références, sur lesquelles le dramaturge irlandais s’appuie pourtant.
Une des principales difficultés rencontrées par Jean-Richard Bloch et remarquée par son biographe, Jean Albertini, réside dans son attachement à un style d’écriture et surtout de construction qui restent soumis à l’anecdote, - reproche contenu dans les critiques de Copeau - comme on la distillait dans les pièces dites « bien faites » de ces auteurs affublés du nom de « carcassier » au début du 19e siècle.
Là où Becque, Mirbeau, Romains, Pagnol réussissent à créer des types, sur un mode plus léger et sur un thème récurrent, l’affairisme, proche de la classique comédie de mœurs, Bloch est affronté à d’autres ambitions, visant à la globalité des comportements dans la confrontation sociale. Une autre de ses difficultés pour s’approprier le théâtre réside dans sa maladresse à inventer des titres significatifs, qui trancheraient avec des titres à la Brieux, Bataille, comme L’Inquiète ou Victorien Sardou, pour Le Dernier Empereur, - bien qu’il défende un théâtre « historique » - voire Paul Morand ou Henry Bernstein, La Nuit kurde. Le génie des titres n’est pas son fait. Il n’est pas le seul. D’autres auteurs dramatiques ne surmontent pas le handicap. On pense à Henry-René Lenormand, et cela malgré des efforts récents pour faire redécouvrir une pièce aussi intéressante que mal nommée, les Ratés. Les philosophes - écrivains dramatiques de la seconde moitié du 20e siècle seront plus inspirés, Huis-Clos, Le Malentendu, Les Justes sont des titres qui participent à l’ambition d’universalité des thèmes qu’ils prétendent aborder.
C’est à l’époque du Front populaire dans le cadre des spectacles de l’exposition internationale de Paris en 1937, auxquels participent les metteurs en scène du Cartel affichant des auteurs nouveaux dans leurs théâtres que Jean-Richard Bloch peut faire inscrire au programme des spectacles du Vélodrome d’Hiver Naissance d’une cité, un titre inspiré cette fois, qui évidemment rappelle l’inoubliable The Birth of a Nation, Naissance d’une nation, sortie en 1915 de David W. Griffith, deux œuvres à vocation différentes, mais animées du même enthousiasme dans une mythologie revisitée ou restée à l’état d’utopie.
Bloch cherche à conquérir tous les publics, dans un grand discours d’urbaniste sur l’évolution de l’habitat. Ce théâtre dit de masse à vocation emblématique aurait dû connaître le succès, les ambitions de Bloch sur le théâtre devraient se concrétiser dans ce spectacle grandiose et visionnaire, qui a déjà fait l’objet de nombreuses analyses de la part des spécialistes de Bloch. Néanmoins, je reviendrai sur quelques points essentiels. Dès la deuxième ligne des « indications ». le projet est fixé : « un grand spectacle total se déroulant sur une piste ». Les problèmes techniques de changements à vue, nécessités par cette scénographie à laquelle tient Bloch doivent s’inspirer du spectacle No, auquel son oncle, Sylvain Lévy, spécialiste du théâtre oriental l’a initié, en mettant à profit ces « compagnons », issus de Gémier et que quelque dix années plus tard Vilar baptisera ses « serviteurs de scène ». De même « le Parleur » fait penser à l’Annoncier du Soulier de Satin ; ces passagers ou passeurs du spectacle participent à la fois de la figuration, comme de la régie, avec un pied dans le spectacle, un pied en dehors, mais intimement mêlés à la conception de J-R. Bloch d’associer le spectateur au spectacle, non dans une connivence de théâtre de boulevard, mais dans une moderne interactivité.
Les collaborateurs artistiques sont, pour nos yeux d’aujourd‘hui, prestigieux, Fernand Léger pour les décors, Roger Désormières et Jean Wiener pour la musique, Darius Milhaud et Arthur Honegger, pour les chansons, même si la critique se demande parfois ce qu’ils viennent faire dans cette entreprise. La mise en scène est signée de Pierre Aldebert, un homme d’engagement. Des acteurs de qualité participent au spectacle, parmi eux on relève dans la distribution les noms de Muse Dalbray , Suzanne Nivette, André Varenne, Fanny Robiane, et les duettistes alors en vogue, Gilles et Jullien, ce dernier transfuge de chez Copeau.
La réalisation de la mise en scène semble avoir été émaillée de difficultés, si l’on juge par les quelques lettres conservées de Pierre Aldebert à Jean-Richard Bloch : limitation du temps de répétition, voire contrôle des « camarades ». Aldebert précise qu’il a demandé « aux membres du parti un dévouement » qui porte sur le sacrifice du temps, des loisirs qu’il s’applique à lui-même.
Enfin, en 1944, est créé à Alger un drame - catastrophe, Toulon, pièce sur la collaboration, pré-sartrienne dans son style, relatant le sabordage de la flotte française en 1942, alors que Bloch et sa femme se trouvaient en U.R.S.S.. La pièce est divisée en trois époques. Ecrite à chaud, dans une actualité particulièrement dramatique, la pièce a été représentée en Afrique du nord puis à l’Odéon du 8 décembre 1945 à mai 1946, ainsi qu’au Japon et en URSS.
Dans la transcription du journal de bord de l’Odéon, Christian Genty cite Bloch. « Pourquoi ai-je écrit Toulon ? Par amour et par justice. Par un besoin irrésistible de chanter et de commémorer un acte héroïque. »
Erreur d’appréciation historique sur une opération militaire controversée, dont on sait aujourd’hui qu’elle a été provoquée par les britanniques et malgré une partie de la marine française.
Dense et restreinte à la fois l’œuvre dramatique de Jean-Richard Bloch n’a pas eu la chance de s’illustrer par des morceaux de bravoure comme certaines scènes de Knock de Jules Romains, pièce dite terre-neuve selon Louis Jouvet, son metteur en scène, ou Topaze, de Marcel Pagnol, histoire de l’instituteur intègre tombé dans l’affairisme, créations de types référentiels à valeur de portée générale.
La démarche de Jean-Richard Bloch traduit un engagement intellectuel dont la trace s’inscrit dans une œuvre romanesque et théâtrale, anticipée par des essais et une remarquable carrière de journaliste, qui méritent davantage que ce que la mémoire sélective a retenu, malgré les efforts d’instances comme ceux de la municipalité de Poitiers et de sa bibliothèque, de votre association ou de la Bibliothèque nationale de France.
Au final, Bloch est resté un homme seul. On le constate dans les correspondances, aimables, un peu condescendantes de Paul Claudel, insistant sur les particularités de la race, qu’un juif trouverait insupportables aujourd’hui, avant de devenir hostiles devant les engagements politiques de Bloch en faveur des soviétiques ; avec Baty aussi, dont les rapports se distendent à propos d’une question de droits sur la programmation de Karl et Anna, de Copeau surtout, agacé peut-être par le dogmatisme de Bloch, et sa trop relative malléabilité.
« Epopée du quotidien » écrit Sylvie Jedynak, à propos de sa pièce, Naissance d’une cité, l’expression pourrait être la définition, voire le sous-titre d’une partie du théâtre de Jean-Richard Bloch, lui-même essentiellement associé à une politique sociale du quotidien, mais qui n’a rien à voir ni dans son propos, ni dans son style avec un théâtre du quotidien, tel que l’envisagera Michel Vinaver trente ans plus tard.
Bloch se préoccupe de la transposition du langage du quotidien au théâtre avec certains de ses correspondants, Armand Salacrou, Romain Rolland. La dimension épique du quotidien est approchée dans la tentation d’une version « opératique » de Naissance d’une cité, qui pourrait évoquer l’Opéra de quat’sous, de Bertholdt Brecht, monté pour la première fois en France par Gaston Baty au théâtre Montparnasse en 1930 dans une quasi indifférence.
A partir d’autres spectacles proches de Bloch par la scénographie et par l’ordonnancement, sinon par l’idéologie, ceux de Jean Louis Barrault, - on pense notamment à un grand spectacle de plein air de Jean-Louis Barrault, composé des Suppliantes d’Eschyle et de 8.000 mètres, drame sportif d’André Obey, joués sur des musiques d’Honegger, au stade Roland Garros en 1941 au profit du Secours pour les sportifs prisonniers de guerre - on regrette qu’un tel praticien aiguillonné aussi par une tentation de spectacle total, par les auteurs nouveaux, les nouveaux modes d’expression, par son intérêt pour l’architecture scénique et spécifiquement pour le cercle, n’ait pas rencontré Jean-Richard Bloch.
Ils étaient faits l’un pour l’autre, me semble-t-il.
Le théâtre de Bloch a évidemment manqué ses rendez-vous avec ceux que son destin n’a pas croisés, cette maïeutique, qui fait naître au monde un grand auteur grâce à un grand metteur en scène, attentif à son propos. Copeau était un esthète, un esthéticien, mais pas un politique, cette alchimie, que Barrault a pu opérer avec Claudel, Genet, Ionesco, n’aurait-il pas su la réaliser avec Jean-Richard Bloch ?
L’œuvre de Bloch est un tout. Bien que marqué par ses hésitations, son théâtre mériterait d’être revisité. Sa vision scénique, son écriture peuvent provoquer la curiosité d’un metteur en scène en recherche de textes. L’engagement politique d’un homme aussi libre arrêta-t-il des élans ? C’est fort possible.
Noëlle GUIBERT
Directeur du département des Arts du spectacle/BNF
Je remercie Annie Angremy d’avoir pris le temps de relire attentivement le texte de cette communication
N. GUIBERT
Le fonds Jean-Richard Bloch est conservé au département des Manuscrits. C’est sur ce fonds que les recherches ont essentiellement porté jusqu’à présent.
Mais l’œuvre théâtrale est présente au département des Arts du spectacle, où sont conservées plusieurs de ses pièces de théâtre et un certain nombre de dossiers de presse se rapportant aux représentations des œuvres principales et à la personnalité de Jean-Richard Bloch, ainsi que des correspondances dans le fonds André Antoine et des manuscrits dans le fonds du théâtre de l’Odéon.
Références des documents conservés au dpt des Arts du spectacle
Collection Auguste Rondel
Sections :
Rf
– Offrande à la musique (Dix filles dans un pré. La Nuit kurde. L’Illustre magicien). Paris, Gallimard, 1930. 280p. P.j. un article de presse.
La Nuit kurde. Genève, Grand théâtre, 20 juin 1928. 2ff. Rec. d’articles de presse sur
La Nuit kurde. 14e ed. Paris, Gallimard, 925. 277p.
Dix filles dans un pré [ballet imaginaire en trois actes] 4 gravures à l’eau-forte par Marie Laurencin. [Créé à Genève n 2 avril 1926. Paris, Studio des Champs - Elysées, 5 octobre 1928]. Paris, Au sans pareil, 1926. 113p. 4 pl.
Le Dernier empereur. Une histoire en 13 tableaux.[Odéon 17 novembre 1926]. La Petite illustration, 26 mars 1927. 46 p.
– Maquettes de Walter Fuerst. Plantations de décors. Acq.
– Recueil d’articles de presse
Karl et Anna, pièce en 4 actes de Léonhardt Frank. Version française de J.R Bloch. [Théâtre de l’Avenue, 10 avril 1929. La Petite illustration, 6 juillet 1929. 20 p., photographies.
– Recueil d’articles de presse :
sur Naissance d’une cité. [Palais des sports, 17 novembre 1937. 3ff
– Recueil d’articles de presse :
parus dans différentes revues. 8ff.
Rj
– Carnaval est mort. NRF, 1920
– Destin du théâtre. 1930
Re
– Présentation de Schweïk. . Extrait de Parallèle 50. Janv. - dec. 1947
– Extrait d’Europe. 15. 1. 1929
Rt
– Destin de théâtre .In : Europe 15.2/ 15.4. 1930 Préface de JRB.
Fonds Jacques Copeau
Correspondance
Fonds Saint-Georges de Bouhélier
Correspondance
Fonds Théâtre de l’Odéon
– Le Dernier Empereur. Plusieurs versions
Le 1er et le 2e actes (cachet 1er. 7 1926) sur épreuves. Corrections à l’encre. de J.R. Bloch.
3 exemplaires du 3e acte (exemplaire du souffleur), 4e et 5e actes.
– Toulon. Trois époques. Plusieurs versions. Conduite. Indications scéniques au crayon.
Brochure de l’acte3. Rôle du comédien Roger Bernard
Les différentes brochures de répétition dactylographiées comportent des indications de mises en scène
Manuscrits et correspondances
– Fonds Saint-Georges de Bouhélier
Douze lettres de Jean-Richard Bloch. Mn 18/61
– Fonds André Barsacq.
Lettre de Jean-Richard Bloch.Mn 27/83
– Fonds Gaston Baty
Trois lettres4° coll
– Fonds Jacques Copeau
Seize documents4° coll
– Fonds André Antoine
Quinze lettres, une carte de visite,
trois coupures de presse4° coll