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Histoires marseillaises

Marianne, 26 octobre 1932

Article mis en ligne le 10 octobre 2010
dernière modification le 17 octobre 2010

Marianne, 26 octobre 1932

Je commencerai cette rubrique comme Doumel commence ses histoires marseillaises, [par] un disque charmant (Columbia) que je signale d’emblée à tous les neurasthéniques, à tous ceux que la crise ou la politique assombrissent ou détraquent, à M.Hitler, à M.Mussolini, à M.von Papen, à M.Kérillis, à M.Louis Marin, généralement parlant à tous les amateurs de la saine gaîté :Et d’abord, je dis bonjour à tous.

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Ne nous fatiguons pas à trouver une laborieuse transition. Restons dans l’empire de Marseille.

La pluie nous avait bloqués, l’autre jour, dans une aimable petite ville. C’était un dimanche vers midi : ayant mis la voiture à l’abri, nous avions cherché refuge dans un café que l’heure et l’averse remplissaient de consommateurs. De toute évidence, l’établissement le plus important de cette jolie préfecture.

Le patron faisait l’essai d’un pick-up tout neuf. Et il faisait en même temps l’essai de son public. Ce brave homme cherchait en même temps le réglage de la mécanique et celui de son répertoire. A chacun des disques qu’il faisait tourner, il circulait au milieu des tables et interrogeait les clients. Je vous communique tout de go cette intéressante expérience.
Il a débuté par des sonneries militaires comme il s’en trouve en abondance dans le catalogue de tous les éditeurs. (Gramophone et Polydor viennent d’en imprimer un nouveau stock). Au risque de contrister M.Gustave Hervé et toute l’ancienne rédaction de la Guerre Sociale,il me faut avouer q’un tollé général a interrompu ce premier numéro.
Ne croyez pas que la passion politique fit fureur. La région est un pays calme. Les protestataires n’étaient point gens de parti ou de parti pris. Simplement, cela ne leur faisait pas plaisir. Ceux qui avaient passé par la caserne ne voulaient plus en entendre parler. Et les autres aimaient mieux penser à autre chose.

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Là-dessus le patron a fait tourner partie de manille, de Marius (Columbia), avec Raimu dans le rôle de César, Charpin dans celui de -----------, etc...
Succès considérable, succès<que j’aimerais dire formidable. Et mérité. Essayez sur votre appareil. Le pick-up, (pas mauvais, ma foi) donnait aux voix une présence, une rondeur, un modelé hallucinants. Il leur rendait les trois dimensions de l’espace et de l’existence. Les manilleurs étaient là, effectivement. Ils jouaient la partie dns le fond de la salle. Chaque mot faisait balle. Chaque silence creusait son attente. Et Dieu sait si l’art de Raimu sait donner aux pleins et aux creux leurs aimables proportions.

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Suivit le disque de la Scène de confesse, dans les Vignes du Seigneur, jouée par Victor Boucher (Columbia). Ce fut du délire. Procurez-vous le. Vos saurez pourquoi. Enregistrement digne du précédent. On n’en peut rêver de plus sûr, de plus savant, de plus loyalement comique.

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De là on passa à ce Cocktail, où Pathé a eu l’idée de grouper ses vedettes. Chacun (de Colline à Allibert)y va d’un couplet de son meilleur succès. L’ensemble fait une exhibition qui ne manque pas de saveur. Elle échantillonne les talents sans risquer l’ennui. Elle donne irrésistiblement l’envie d’entendre au complet (ce n’est pas un mince éloge) le célèbre Déjà, qui a valu à Colline le prix de la chansonnette enregistrée.

Jean-Richard Bloch.


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